"Lesbian desire is everywhere,
"Chaque groupe social doit avoir accès à sa propre histoire. La connaissance de notre passé nous permet de nous enraciner culturellement et nous donne un héritage de modèles et d’expériences dont nous pouvons apprendre et que nous imitons ou que nous décidons de ne pas suivre. Toute connaissance de notre passé nous a été à nous, femmes lesbiennes, refusée. Ce n’est pas le résultat du hasard car cela permet de nous maintenir dans l’invisibilité, dans l’isolation et dans une position d’impuissance. (...) La répression des formes d’existence lesbiennes ne se limite pas au contrôle des représentations et de l’information contemporaines mais s’étend également au contrôle de la connaissance historique (…)."2 Aujourd’hui, les milieux alternatifs lesbiens, gays et lesbiens, queer et transgenres que l’on trouve dans les grandes villes suggèrent trop facilement que les modes de vie lesbiens ont acquis une visibilité et une reconnaissance certaines. Cependant, il y a encore à l’heure actuelle nombre de lesbiennes qui vivent cachées et qui sont invisibles et isolées. De plus, cette supposée visibilité est souvent utilisée comme argument pour démontrer l’existence d’une connaissance sociale sur la/les histoire/s des lesbiennes et des personnes transgenres. Cette connaissance reste toutefois extrêmement limitée. Aujourd’hui comme hier, la/les histoire/s des femmes lesbiennes ne sont reconstruites que de manière lacunaire, que ce soit dans les pays germanophones ou ailleurs. De plus, très peu de lesbiennes de l’histoire sont présentes sur la toile. La mise en place de différentes cyber-encyclopédies n’y a rien changé. L’histoire lesbienne est « [U]nthinkable, silent, invisible » selon un « critical cliché » plus ou moins boiteux sur la « presence of lesbianism".3 Grâce à ce projet internet, nous voulons inscrire les femmes lesbiennes dans « l’Histoire » d’un point de vue critique et les y rendre visibles avec leurs histoires de vie individuelles et en évoquant également les milieux « collectifs » de femmes aimant les femmes. Le projet internet Histoire lesbienne a pour but la visibilité historique et actuelle et prend ainsi part à la résistance contre la dé-historisation des existences et des activités lesbiennes. La dé/construction de l’histoire doit pour nous être placée sous le signe de la mémoire, de l’apprentissage historique et doit donner la possibilité de s’identifier à ou de se distancier d’un ou plusieurs événements ou figures historiques. Il se peut que le titre Histoire lesbienne en surprenne plus d’un-e ; d’une part, parce que l’on est dans une période de déconstruction de la catégorie identitaire lesbienne et d’autre part parce que l’utilisation du terme moderne de lesbienne qui n’a vu le jour que dans les années 70 est sujet à controverse. On peut craindre à juste titre que l’utilisation de ce terme stabilise une identité, qu’elle fige ce qu’ « est » une lesbienne et simplifie des processus historiques ou qu’elle les représente de manière indifférenciée. Nous ne pensons cependant pas que l’emploi du terme de lesbienne suppose de manière logique et nécessaire l’existence d’une identité lesbienne, ni qu’il établisse des relations de continuité par trop simplistes ou qu’il masque des liens et des dynamiques historiques. Nous ne pensons pas non plus que cet emploi projette aveuglement une vision moderne sur une dimension historique, ni qu’il nie différents concepts d’amours féminines ou, qu’en d’autres termes, il re/construise l’histoire de manière indifférenciée.4 Ces questions relèvent, selon nous, bien plus de la démarche scientifique ainsi que des modes de représentation choisies que de l’utilisation de ce terme en soi. Nous utilisons l’étiquette Histoire lesbienne pour former un espace politique rassemblant des expériences non-hétérosexuelles ainsi que des formes de vie individuelles et en partie politiques de femmes (et de travesties/transgenres) qui ont existé au cours de l’histoire. Cela nous semble d’autant plus pertinent que, aujourd’hui encore, la reconstruction historique dominante, et entre autres la recherche historique féministe, part du principe implicite ou explicite que toutes les femmes à travers l’histoire ont vécu de manière hétérosexuelle. Nous faisons usage ici de la construction théorique du « lesbian-like » (Judith M. Bennett) qui rend les lesbiennes visibles dans l’histoire tout en déstabilisant la catégorie lesbienne dans ce qu’elle peut avoir de figé. Il nous faut jouer avec les instabilités et nous en inspirer. Le terme lesbian-like souligne une activité et non une identité, met l’accent sur les modes de vie et non sur les individus. Ce terme ne renvoie pas uniquement à la sexualité, étant donné que le comportement (« behavior »), la dimension affective (« affection ») et la « singleness » peuvent aussi être interprétés comme lesbian-like. L’histoire des femmes peut se trouver transformée grâce à cette thérapie de choc (« shock therapy ») et l’histoire des lesbiennes enrichie.5 Cette liste non-exhaustive des termes soit choisis par les lesbiennes pour s’auto-désigner, soit utilisés par d’autres pour les désigner présentée dans l’intro de ce site internet et les débats qui les accompagnent n’illustrent qu’une facette re/déconstruisable de la lesbian herstory au sein de l’espace germanophone. Pour les débuts de ce site internet (no-budget!) Histoire lesbienne, nous nous sommes concentrées, du point de vue historique, sur des portraits biographiques de femmes lesbiennes et sur la période fin XIXème/ début XXème siècle et, géographiquement, sur l’Allemagne. A l’avenir, ce site pourra et devra être enrichi. Nous souhaitons présenter, en particulier, trois femmes qui se sont engagées très tôt pour la cause lesbienne : Johanna Elberskirchen (1864-1943), Theo Anna Sprüngli alias Anna Th. Rüling (1880-1953) et Emma (Külz-)Trosse (1863-1949). Nous avons effectué ce choix car ces trois auteures ont non seulement joué un rôle important d’un point de vue historique au sein de l’espace germanophone, mais font également figures de symboles de l’émancipation lesbienne et/ou homosexuelle à l’époque de la réforme sexuelle et de la naissance de la sexologie. La construction en sexologie d’une « personnalité homosexuelle » s’est réalisée au cours du XIXème siècle dans l’espace germanophone et s’est répandue dans de nombreux autres pays (sans doute principalement dans des pays occidentaux). Au début du XXème siècle, ces trois femmes ont influencé la construction de ces discours et ont pu, ce faisant, influencer directement et indirectement la définition des concepts d’identité, les discussions politiques et les luttes (principalement individuelles) des lesbiennes dans différents pays et régions. La pensée de ces trois femmes blanches contient des aspects ambivalents, contradictoires et inacceptables d’un point de vue politique. Ces aspects, tels qu’ils se retrouvent dans leurs publications et leurs activités, sont des éléments importants de leurs parcours et doivent, à ce titre, être évoqués afin de les resituer dans le contexte des théories eugéniques/d’hygiène de la « race », nationalistes, militaristes et colonialistes de l’époque. En parallèle des portraits individuels de femmes qui ont vécu ou vivent aujourd’hui dans un univers féminin ou qui se sont/sont engagées dans la lutte pour la cause gay et lesbienne, nous souhaitons mettre l’accent sur l’histoire des lesbiennes dans la (co)production de films de langue allemande. Vous trouverez sur ce site des chroniques de films lesbiens ainsi qu’une liste de films accompagnés d’un symbole indiquant le degré de lesbian-like d’un film. Vous trouverez également des textes concernant l’histoire lesbienne à un niveau local ainsi que des documents et des illustrations traitant du thème de la mémoire des lesbiennes de l’histoire ; des chroniques qui interpellent et invitent à une réflexion plus approfondie; des bibliographies à télécharger ainsi que de nombreux liens vers des sites à caractère historique. Nous tenons à remercier chaleureusement Claudia Schoppmann et Regula Schnurrenberger pour les portraits de femmes lesbiennes qu'elle a mis à notre disposition ainsi que pour ses conseils précieux. Bien que nous souhaitions à l'origine pour des raisons politiques rendre les informations présentes sur lesbengeschichte.de accessibles à tou-tes à l'aide d'une mise en page simplifiée, nous n'avons pu le faire faute d'avoir trouvé une graphiste prête à effectuer de manière bénévole la programmation d'un site aussi complexe. Il nous paraît important de garantir aux lecteurs/trices qui sont exclu-es structurellement de l’accès au savoir rédigé de manière conventionnelle un accès aux textes, c'est pourquoi nous cherchons toujours à aménager le site en conséquence. A l'heure actuelle, les lecteurs/trices aveugles et malvoyant-es peuvent obtenir les textes allemands et anglais sous forme de document texte et/ou audio. Si vous souhaitez retravailler les pages de ce site afin de les rendre plus accessibles, contactez-nous! Nous avons fait en sorte que les textes soient traduits afin qu'ils soient accessibles au plus grand nombre de personnes. Nous remercions ici à nouveau les 28 femmes et lesbiennes qui ont, jusqu'à présent, traduit des textes bénévolement dans huit langues différentes!!! Nous tenons également à faire part de notre gratitude aux 13 femmes et lesbiennes de Bonn et de Cologne qui nous ont permis grâce à leurs dons d’un montant total de € 550.- de financer au moins en partie le design et la programmation du site ainsi que les frais des fournisseurs d’accès! Merci à Nika Schwab (Pro-Me-Dia) pour sa réalisation de nos vœux concernant le design du site ainsi que pour son engagement solidaire. N’hésitez pas à nous envoyer vos commentaires et remarques, textes et traductions, compliments et critiques à Contact ou à les poster sur le forum. Nous souhaitons à nos lecteurs/trices une bonne lecture… Salutations féministes et lesbiennes depuis Bonn et Berlin
Ingeborg Boxhammer et Christiane Leidinger © Novembre 2005 [1] Vicinus, Martha: "They wonder to which sex I belong". The Historical Roots of the Modern Lesbian Identity. In: Feminist Studies 3/1992, pp. 467-497, ici: p. 468. Traduction: « Le désir lesbien est partout, même s’il n’est visible nulle part ».[2] Lesbian History Group: ...und sie liebten sich doch. Lesbische Frauen in der Geschichte 1840-1985. Göttingen: Daphne 1991, 2f. [Orig.: Not a Passing Phase: Reclaiming Lesbians in History, 1840-1985. Londres: The Women's Press 1989].[3] Traub, Valerie: The Rewards of Lesbian History (Review Essay). In: Feminist Studies 2/1999, pp. 363-394, ici: p. 363. Traduction: « selon un cliché critique concernant la présence du lesbianisme » l’histoire lesbienne est « impensable, tue [silencieuse], invisible ».[4] cf. sur ces positions: Steidele, Angela: "Als wenn Du mein Geliebter wärest". Liebe und Begehren zwischen Frauen in der deutschsprachigen Literatur 1750-1850. Stuttgart/Weimar: Metzler 2003, p. 22; Micheler, Stefan: Selbstbilder und Fremdbilder der 'Anderen'. Männer begehrende Männer in der Weimarer Republik und der NS-Zeit. Constance: UVK 2005, pp. 49-51.[5] Bennett, Judith M.: "Lesbian-Like" and Social History of Lesbianism. In: Journal of the History of Sexuality 1/2/2000, pp. 1-24, ici: cf. en particulier pp. 11; 13; 16; 24. Traduction: "semblable à/comme une lesbienne". |